Tunis - Les Tunisiens éliront samedi un parlement sans pouvoirs réels, lors d'un vote boycotté par l'opposition, dernière étape du nouveau système ultra-présidentiel bâti par le président Kais Saied, depuis qu'il s'est arrogé les pleins pouvoirs par un "coup de force", a rapporté l'AFP.
La nouvelle Assemblée de 161 députés remplacera celle que Saied avait destituée le 25 juillet 2021, après des mois de blocages politiques dans le système en place depuis le renversement de la dictature de Zine El Abidine Ben Ali, lors de la première révolte du Printemps arabe, en 2011.
Si cette chambre (formellement dissoute en mars) était un pôle de pouvoir aux vastes prérogatives, celle qui sortira des élections législatives, à l'issue d'un second tour prévu en février ou mars, sera dotée de pouvoirs très limités, dans le cadre d'un nouvelle Constitution que Saied a fait approuver l'été dernier lors d'un référendum marqué par une forte abstention (près de 70%).
"L'objectif est de réaliser un agenda qui a été élaboré peu après le coup d'Etat de Saïed et de conclure le processus entamé le 25 juillet 2021", a déclaré le politologue tunisien Hamadi Redissi à l'agence de presse France-Presse.
Selon Redissi, le nouveau Parlement aura des pouvoirs très limités, l'accent étant mis sur le fait qu'il est "pratiquement impossible" de renverser le gouvernement par une motion de censure.
De plus, tout projet de loi doit avoir au moins 10 députés et les textes présentés par le président auront priorité.
Un nouveau système uninominal remplace le système de liste, qui réduit l'influence des partis politiques, avec des candidats sans affiliation déclarée.
"Ce qui est recherché, malgré tous les échecs de cette élection, c'est un accroissement de la légitimité de la présidence", a poursuivi Redissi, évoquant "un Parlement réducteur, sans pouvoirs".
Dénonçant la mise en œuvre d'un "coup d'État contre la Révolution" qui a permis la seule véritable démocratie du monde arabe, presque tous les partis politiques ont boycotté le vote, y compris Ennahdha, d'inspiration islamique, une force politique qui a dominé pendant 10 ans le Parlement dans l’entre-temps dissous.
Dans ce contexte, et au vu de la réforme électorale controversée du président tunisien, les États-Unis ont demandé à Saied de créer les conditions pour que les élections soient "libres et régulières", lors d'une rencontre entre le chef de l'État tunisien et le secrétaire d'État américain, Antony Blinken.
Saied attribue la crise politique à une corruption profondément enracinée dans le système politique tunisien, où les députés règnent en tant que "membres de réseaux de contrebande" et "sans se soucier des besoins économiques et sociaux du peuple".
Par ailleurs, Saied a critiqué le système électoral issu de la Constitution de 2014, après la révolution tunisienne de 2010, estimant qu'il a été conçu "sur mesure" aux intérêts de certaines formations politiques.
"Nous ne reconnaîtrons pas les résultats des élections", a déclaré Ahmed Néjib Chebbi, président du Front de salut national (FSN), une coalition d'opposition dont fait partie Ennahdha.
S'adressant à la presse, Chebbi a souligné que le vote "plongera le pays dans une crise politique encore plus grande", faisant allusion au fait qu'un "examen économique" du pays par le Fonds monétaire international (FMI) a été reporté sine die pour commencer à partir de lundi prochain.