Bruxelles - L'invasion russe de l'Ukraine il y a une semaine a provoqué des changements dans les relations internationales, avec une Russie plus isolée que jamais et un Occident uni, mais elle a aussi signifié le retour de la menace nucléaire.
Justifiant l'invasion, le président Vladimir Poutine a averti que quiconque tenterait d'empêcher la Russie d'atteindre ses objectifs en Ukraine subirait "des conséquences jamais vues dans son histoire", dans ce qui était interprété comme une référence aux armes nucléaires.
Quelques jours plus tard, il a mis en alerte le système de dissuasion nucléaire de l'armée russe, suscitant des troubles dans de nombreuses capitales mondiales, et depuis lors, Moscou a prévenu qu'une troisième guerre mondiale serait une guerre nucléaire.
Quelques enjeux géopolitiques provoqués par l'invasion de l'Ukraine mis en lumière par l'agence de presse française AFP : L'offensive de Moscou marque un tournant mondial.
Premièrement, cela "a détruit l'espoir que l'Europe de l'après-guerre froide pourrait être épargnée par une guerre majeure", a déclaré Ali Wyne de la société d'analyse des risques Eurasia Group.
Le Vieux Continent et les États-Unis, ainsi que le secrétaire général de l'ONU, António Guterres, sont unis pour dénoncer une violation flagrante des principes qui sont au cœur du système international établi après la Seconde Guerre mondiale.
Surtout, la réponse a été aussi "massive" et "rapide" que l'avaient promis les dirigeants occidentaux.
Du système financier aux oligarques, en passant par un véritable blocus aérien européen et l'exclusion des grandes compétitions sportives, une avalanche sans précédent de sanctions s'est abattue sur cette grande puissance.
"La Russie sera un paria à l'avenir et il est difficile d'imaginer comment elle pourra redonner un semblant de normalité à ses interactions internationales", a prévenu Sarah Kreps, professeure à l'université Cornell.
Le président français Emmanuel Macron a décrété fin 2019 la "mort cérébrale" de l'Alliance atlantique, minée par les désaccords et l'action de l'ancien président américain Donald Trump.
Lorsque Joe Biden est arrivé à la Maison Blanche, il a encouragé l'OTAN à participer à sa demande contre la Chine, déclenchant de nouvelles tensions entre États qui estimaient que ce n'était pas la raison d'être de l'organisation de 30 membres.
Née au début de la guerre froide pour placer l'Europe sous le parapluie nucléaire américain face à l'Union soviétique, cette alliance transatlantique retrouve aujourd'hui son "meilleur ennemi" face à Moscou une fois de plus.
Pour Ali Wyne, "l'invasion russe a renforcé l'Otan et renforcé l'alignement transatlantique", même s'il n'y a aucune garantie que cette nouvelle cohésion conduira à une "approche partagée à long terme" pour combattre la Russie.
"L'Europe sera faite de crises et sera la somme des solutions apportées à ces crises", a écrit Jean Monnet, considéré comme l'architecte de l'unité européenne, dans ce qui se confirme une nouvelle fois.
Afin d'accélérer l'Europe de la défense voulue par la France, mais longtemps dans les limbes, les 27 Etats membres de l'Union européenne (UE) ont décidé de consacrer 450 millions d'euros pour financer la fourniture d'armes létales à l'Ukraine.
La décision historique (elle arrive pour la première fois dans l'histoire du bloc européen) a surpris, de telle sorte qu'elle contraste avec le traditionnel report des décisions.
Le geste le plus spectaculaire est celui de Berlin : rompant avec sa doctrine, l'Allemagne décide de remettre des armes létales à Kiev, décision suivie par la Suède et la Finlande.
Le chancelier allemand Olaf Scholz a suivi cette rupture avec une autre annonce, vantant une forte augmentation des dépenses militaires pour moderniser l'armée allemande.
"La neutralité n'est pas l'indifférence", a déclaré le président de la Confédération helvétique, Ignazio Cassis, pour justifier un autre changement majeur : la Suisse, centre bancaire international, mais aussi pays neutre qui, quelques jours avant l'invasion, avait accueilli des rencontres tendues entre diplomates américains et Russes, ont choisi de soutenir les sanctions économiques drastiques de l'UE contre Moscou.
Ce n'est pas la seule issue au statut de non-aligné. La Finlande et la Suède n'ont jamais été aussi proches d'une demande d'adhésion à l'OTAN, et des pays comme le Japon, la Corée du Sud, l'Australie et Singapour se sont unis contre l'invasion.
D'autres, comme l'Inde et les Émirats arabes unis, malgré la pression diplomatique américaine, se sont abstenus de se joindre au chœur de la condamnation pure et simple.