Le chef du Kremlin a reconnu ce lundi l'indépendance des territoires indépendantistes pro-russes de Donetsk et Lougansk, dans le Donbass, théâtre d'un vif regain de tensions, lit-on sur L'Express.
L'ultime digue avant le déclenchement d'une nouvelle guerre en Europe a-t-elle été rompue ce lundi 21 février ? En dépit des alertes de l'ONU et des tentatives de médiation venues de France et d'Allemagne, Vladimir Poutine a annoncé, lors d'une déclaration particulièrement longue, aux nombreuses justifications historiques, son intention de reconnaître par un décret les deux territoires indépendantistes pro-russes de Donetsk et Lougansk, dans le Donbass ukrainien.
La décision porte un coup que l'on imagine fatal au processus de paix (accords de Minsk) signé en 2014 et 2015 pour mettre fin aux combats entre les deux parties dans la zone, qui ont jusqu'ici causé la mort de plus de 14 000 personnes, et engendrés environ de 2 millions de déplacés. Poutine avait précédemment jugé que le processus de paix dans ce conflit n'avait "aucune perspective".
Il s'agit enfin du début d'un engrenage qui ouvre la voie, pour la Russie - parrain militaire et financier des séparatistes - à un possible déploiement de ses (nombreuses) troupes massées à la frontière, dans cette zone, en soutien de ses nouveaux alliés. Il aboutirait alors à un contrôle total du Donbass, comme pressenti depuis maintenant plusieurs semaines et redouté par l'Occident. Les Etats-Unis, par la voix de Joe Biden, s'est dit convaincu au cours du week-end d'une attaque imminente de la part de la Russie.
Heurts et premiers morts
La tension était en effet montée d'un cran, en fin de semaine dernière : la Russie a distribué des passeports par centaines de milliers dans l'Est ukrainien, après une multiplication des heurts et des violations du cessez-le-feu, savamment montés en épingle par les séparatistes.
Samedi, l'armée ukrainienne a annoncé la mort de deux de ses soldats. Tandis que ce lundi, l'armée russe a affirmé avoir tué sur son territoire cinq "saboteurs" venus d'Ukraine et avoir arrêté un soldat ukrainien. Kiev a démenti avoir envoyé ces hommes. Deux militaires et un civil ukrainiens ont également été tués dans des bombardements séparatistes dans la région de Donetsk, dans l'est de l'Ukraine, ce même jour.
Selon le Kremlin, Vladimir Poutine a informé de cette reconnaissance de Donetsk et Lougansk son homologue français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz, médiateurs dans le conflit de l'est ukrainien, et ceux-ci ont, selon le Kremlin, "exprimé leur déception". Scholz avait affirmé qu'un tel mouvement constituerait une "une rupture unilatérale" des accords de Minsk. Emmanuel Macron convoquait, ce lundi soir, un Conseil de défense spécialement dédié au sujet, après s'être entretenu avec les présidents russe Vladimir Poutine et ukrainien Volodymyr Zelensky, ainsi qu'avec le chancelier allemand Olaf Scholz à deux reprises, et les responsables européens Charles Michel et Ursula Von der Leyen.
Sanctions européennes attendues
L'Union européenne s'est dit prête à déclencher des sanctions contre Moscou, appelant jusqu'à la dernière minute à ne pas reconnaître l'indépendance de ces régions. La décision sur les sanctions doit être prise par les dirigeants de l'UE réunis en sommet et une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères de l'UE sera convoquée pour les adopter. Le sommet européen peut se tenir en visio-conférence, a-t-on précisé de source européenne. Les sanctions européennes doivent être décidées à l'unanimité et "l'unanimité sur le dossier de l'Ukraine est garantie", a affirmé ce lundi le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. Lesquelles ? "Il y a différentes mesures et le degré de leur mise en oeuvre dépend du niveau d'agression", a-t-il éludé.
"Si Vladimir Poutine déclenche une guerre, nous répondrons avec le levier le plus puissant dont nous disposons: des sanctions économiques et financières, car l'économie est le point faible de la Russie", avait déclaré la veille la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, dans un entretien accordé à la chaîne de télévision allemande ARD. "Les sanctions financières signifieraient que la Russie serait pratiquement coupée des marchés financiers internationaux", a-t-elle précisé.
Une éviction du système Swift, l'arrêt du projet Nordstream 2 ou le gel des avoirs étrangers des oligarques proches du pouvoir, semblent cependant être sur la table. Rien n'indique que Vladimir Poutine y soit sensible. Ce dernier a de nouveau incriminé en ce début de semaine les pays occidentaux, leur reprochant d'"utiliser l'Ukraine comme instrument de confrontation avec notre pays", ce qui "représente une menace sérieuse, très grande pour nous".